Visitez la Librairie Calypso.
Ce que nous lisons:
- Agnès: Quand il fait triste Bertha chante, Rodney Saint-Éloi
- Lucy: Treize nouvelles vaudou, Gary Victor
- Jennifer: Humus, Fabienne Kanor
- Corine: Paradis, année zéro, Christophe Gros-Dubois
- Nathan: Antoine des Gommiers, Lyonel Trouillot
- Jocelyne: Belle merveille, James Noël
- Erika: Les villages de Dieu, Emmelie Prophète
- Charly: Le conteur, la nuit et le panier, Patrick Chamoiseau
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Lucy Swanson : Bonjour à toutes et à tous. Pour ceux et celles qui nous rejoignent pour la première fois — je ne sais pas s’il y en a ici — et aussi pour ceux et celles qui nous connaissent déjà, nous sommes Kwazman Vwa, un collectif d’universitaires basés en Amérique du Nord, spécialisés dans les littératures et cultures caribéennes. Nous avons tout récemment fêté notre première année d’existence, et il y a presque un an jour pour jour, nous interviewions Néhémy Pierre-Dahomey, pour parler de son dernier roman, Combat. Et depuis nous avons pu être en conversation avec Jessica Oublié, Myriam Chancy, Évelyne Trouillot, Sergio Gutiérrez Negrón, et Jean d’Amérique. Aujourd’hui ma collègue Jennifer Boom Make, professeure à l’université de Georgetown, et moi-même accueillons Agnès Cornélie.
Jennifer Boum Make : Bonjour Agnès. Bon, je vais vous présenter rapidement et après on pourra commencer les questions. Donc nous sommes habituellement en conversation avec des écrivains et des écrivaines de la Caraïbe, mais en fait ce soir, on a choisi d’organiser une conversation avec une actrice essentielle à la circulation et à la visibilité des textes et de l’expression artistique de la région Caraïbe. Donc nous sommes ravis d’accueillir aujourd’hui Agnès Cornélie, donc la fondatrice de la Librairie Calypso, qui est installée dans le 11e arrondissement à Paris depuis 2020. Donc cette librairie est dédiée aux littératures d’outre-mer, donc ça va inclure la Polynésie française, la Réunion, la Guyane parmi d’autres, ainsi que les littérateurs de la zone Caraïbe dont Cuba, Jamaïque, Sainte-Lucie, encore une fois parmi d’autres. Donc c’est la première librairie dédiée à ces régions à Paris. Donc vous dire simplement quelques mots concernant Agnès, donc Agnès est née et a grandi en Guadeloupe. Elle a déménagé à Paris où elle a fait ses études supérieures en lettres classiques. Elle est ensuite devenue professeure et plus récemment a décidé de changer de voie, et d’ouvrir en août 2020 la Librairie Calypso. Donc aujourd’hui, on va échanger un petit peu sur le parcours d’Agnès Cornélie, de la librairie, de son public, de ses collections, en gros on va parler littérature. Voilà, pour la petite introduction. Merci beaucoup. Alors Lucy, c’est à toi pour la première question.
LS : Ok oui, désolée, j’étais sur mute encore. Donc merci encore d’être là avec nous aujourd’hui, et pouvez-vous nous raconter la naissance la Librairie Calypso ? Quel est le concept de votre librairie ? Quels sont les défis que vous avez rencontrés dans les étapes menant à l’ouverture de la librairie ?
Agnès Cornélie : D’accord alors bonjour, merci beaucoup à vous de me recevoir. Je suis vraiment très très très touchée et reconnaissante. Alors donc pour raconter un peu la naissance de la Librairie Calypso, donc comme vous avez dit avant, j’étais était enseignante, en fait j’étais professeure, et puis en fréquentant les librairies, puisque je suis une lectrice quand même, donc en fréquentant les librairies, je me suis rendu compte que les littératures, les écrivains, en tout cas, des régions d’outre-mer, des pays de la Caraïbe n’étaient pas tellement représentés. Aussi je trouvais qu’on avait une vision très très erronée, puis idyllique des littératures de ces régions-là parce que ce sont surtout des îles en fait à part la Guyane, ce sont des îles, donc on imagine toujours le soleil et les plages et tout ça et beaucoup de choses très très suaves, très lascives, mais pas des choses très sérieuses. Alors que quand on lit ces auteurs-là, on se rend tout de suite compte qu’ils ne parlent pas du tout de plages et de cocotiers. Donc j’avais envie de montrer les littératures telles qu’elles sont vraiment, et puis j’avais aussi envie, moi, à titre personnel, d’entreprendre parce que ça faisait pratiquement dix ans que j’étais enseignante, et j’avais envie d’entreprendre de faire quelque chose, moi, de créer vraiment quelque chose, et donc je me suis dit qu’ouvrir une librairie ce serait bien. Voilà donc, c’est pour ça que j’ai décidé de me lancer. Alors bon ça a été très très difficile évidemment de se lancer comme tout commerçant. En fait c’est compliqué d’ouvrir un commerce de manière générale, c’est compliqué d’ouvrir un commerce à Paris aussi. Moi je tenais vraiment à être à Paris, je voulais vraiment que la Librairie Calypso soit à Paris puisque je me dis qu’il n’avait pas de raison pour que les régions d’outre-mer ne soient pas dans la capitale. Donc j’ai pris beaucoup de temps avant de trouver le local idéal, qui soit bien situé, qui soit bien placé, qui soit facile d’accès, qui soit assez grand, enfin pas trop grand mais pas trop petit non plus, parce que les livres ça prend de la place. Donc ça m’a pris un an et demi avant de trouver le local idéal. Et puis c’était ça le plus gros défi, vraiment, trouver le local. Après, évidemment, trouver aussi les financements, parce qu’ouvrir un commerce, c’est un coût important. Donc il faut démarcher les banques, enfin, il faut trouver des financements, donc ça aussi ça a été compliqué. Et puis bon une fois que j’ai trouvé le local et les financements, je peux dire que ça a été à peu près. Si on veut. Il y a eu quand même le covid, parce qu’en fait, j’avais trouvé le local, il y a deux ans, en février, donc oui je l’avais trouvé il y a deux ans, sauf qu’en mars 2020 donc, on a été confinés du coup ça a décalé le début de mes travaux. Mais bon ça m’a permis aussi de faire une campagne de financement participatif, donc comme ça des personnes pouvaient être au courant du projet, ont pu partager le projet, et des personnes ont beaucoup participé aussi, m’ont beaucoup aidé par rapport à ça, mais même des personnes qui n’ont pas forcément contribué je veux dire financièrement ont partagé le projet, et donc comme ça, avant même l’ouverture, il y a des personnes qui savaient qu’une librairie outre-mer ouvrirait. Donc c’était bien ça et j’ai pu commencer mes travaux en mai puis après ouvrir à la fin du mois d’août 2020.
JBM : Je me rappelle de l’ouverture inaugurale de la Librairie Calypso. C’est dans les premiers mois d’ouverture que j’avais passé les portes de la librairie pour la première fois. J’étais ravie de découvrir que c’était là. Donc en fait est ce que c’était un rêve pour vous d’ouvrir une librairie puisque vous parlez du parcours que vous avez eu, d’abord d’enseigner pour ensuite décider d’ouvrir la librairie. Est-ce que c’était un projet longuement réfléchi, longuement mûri ? Est-ce que vous avez eu l’impression là, de vouloir aussi combler peut-être un vide ? Puisque vous dites que dans les librairies parisiennes, il y a très peu de représentations des littératures d’outre-mer et de la caraïbe. Est-ce que vous pourriez nous parler justement de de la maturation de ce projet ? Est-ce que c’est la concrétisation d’un rêve ? Est-ce que c’est une sorte de mission que vous vous êtes attribué aussi en comblant un vide dans le paysage les librairies parisiennes ?
AC : Alors en fait, oui, je peux dire que c’est un peu les deux à la fois. C’est vrai que d’un côté, j’ai eu cette idée-là en— je pense que j’ai eu cette idée-là dès 2000… en 2010, dès 2012, peut-être 2012, ou 2013, mais ça faisait un petit moment, j’avais déjà cette idée. Je me disais ce serait bien quand même d’ouvrir une librairie qui offrirait cette littérature-là. Ce serait génial. En étant professeur j’avais déjà essayé de travailler sur le projet, mais professeur, c’est vraiment un métier chronophage, aussi donc j’ai pas réussi à faire les deux en même temps, donc j’ai décidé de demander une dispo. Ça faisait longtemps que je j’avais cette idée-là en tête, mais c’est pas forcément une idée que j’avais dès le début. Je vais dire quand j’ai commencé mes études en revanche— mais bon en fait, que je dise tout : d’abord, j’ai fait des études de lettres classiques, donc j’ai d’abord été professeure de lettres classiques, après j’étais professeure documentaliste et c’est quand j’ai commencé à être professeure documentaliste, donc à donner des cours de documentation et à gérer un CDI — le centre de documentation de l’établissement — que j’ai eu envie d’avoir un lieu vraiment, moi, que je pourrais gérer entièrement, que j’aurais créé de A à Z, que je pourrais gérer encore plus, et que ce soit vraiment dans l’entrepreneuriat, que ce soit dans le commerce, de lier les deux en fait commerce et littérature. Donc c’est de là que c’est venu en fait, quand j’ai commencé à être professeure documentaliste, et en même temps, oui, de remplir de combler un vide parce que je me suis dit mais « C’est pas normal… » comme je moi je suis Guadeloupéenne, et donc je vais en Guadeloupe régulièrement, chaque année, au moins une fois par an, et en allant Guadeloupe en voyant toutes les littératures qu’on a, tous les auteurs qu’on a, je me disais mais c’est pas possible qu’on retrouve pas ça aussi facilement à Paris et qu’on parle des auteurs qu’on connaît donc comme Maryse Condé, Édouard Glissant, et tout ça, mais pas des autres, je trouvais ça vraiment dommage. Et même les livres pour enfants, la quantité de livres pour enfants qui existent et qu’on trouve pas facilement, alors qu’ici en Île-de-France, il y a beaucoup de personnes de Guadeloupe, de Martinique, de la Réunion, et tout et qui ont aussi envie d’avoir accès à ces livres-là. Donc c’était à la fois en effet l’aboutissement d’un projet que j’avais quand même depuis 2012 environ et aussi le fait de combler un vide, ça me semblait important.
LS : Merci, c’est très intéressant. Alors on a parlé de l’origine de la librairie, mais pourquoi le nom Calypso ? Quel est le lien avec la Caraïbe et les outre-mers ?
AC : Alors c’est vrai qu’on me pose souvent cette question-là, c’est vrai, [inaudible] Calypso. Alors quand j’ai cherché le nom, quand j’ai commencé donc à travailler sur le projet, que je cherchais un nom, j’avais différents noms en tête et tout, mais Calypso m’est venu de lui-même. Vraiment et c’est drôle, le nom m’est venu de lui-même. C’est pas moi qui l’ait trouvé comme ça, qui me suis dit « Tiens Calypso, c’est bien. » Non. Il est venu tout seul et en fait c’est bien, parce que calypso, c’est une musique, un style de musique à Trinidad, et c’est aussi une danse et donc voilà, mais peut-être que c’est un reste de mes études de grecque en fait qui est venu comme ça, puisque Calypso, c’est aussi un personnage mythologique, donc voilà. Mais vraiment le nom m’est venu de lui-même et puis je suis contente, je trouve que c’est bien, c’est un bon nom, et puis ça fait prénom aussi, donc c’est bien, puisque c’est simple. C’est un projet, c’est vraiment comme un bébé en fait, vraiment comme un enfant. Donc c’est bien que la librairie s’appelle Calypso et ça sonne bien avec la Caraïbe en fait.
JBM : C’est vrai que le nom reste, en tout cas. On n’oublie pas ce nom-là. Donc là, du coup, on se demandait si on pouvait en savoir un plus sur le profil de vos clients, de vos lecteurs et lectrices. Donc est-ce qu’il y a des profils particuliers ? Est-ce que vous allez avoir plutôt des gens qui s’y connaissent déjà dans les littératures d’outre-mer et la Caraïbe ? Ou est-ce que vous avez vraiment des gens qui passent vos portes et qui ont plein de questions, des questions à vous poser ou qui ont besoin d’être guidés, qui cherchent un point d’entrée dans les littératures d’outre-mer et la Caraïbe ? Ou peut-être les deux profils aussi ? Donc simplement, en savoir plus sur le public qui vous rend visite.
AC : Alors oui donc depuis que j’ai ouvert, je suis contente, parce que j’ai vraiment des profils très différents et ça me fait plaisir. En fait j’ai à la fois des personnes qui sont nées, des personnes qui sont qui sont nées dans les régions d’outre-mer, ou des pays de la Caraïbe, et qui donc recherchent des auteurs sur ces régions, des gens qui veulent acheter des livres pour leurs enfants aussi, pour que leurs enfants restent ancrés culturellement dans leur pays d’origine. Et j’ai des personnes, je veux dire, j’ai des personnes qui font des thèses. Souvent, c’est ça, j’ai des personnes qui font des thèses sur des auteurs, sur des grands noms de la littérature, et qui cherchent d’autres ouvrages ou autre. Donc ça me fait vraiment plaisir de voir que la Caraïbe est étudiée partout dans le monde, parce que j’ai déjà eu des personnes d’origine japonaise, finlandaises, et tout, j’étais très contente qu’ils fassent des études sur la Caraïbe, et je suis très très contente vraiment, quand je vois ça. Et puis sinon, il y a des personnes du quartier où je suis. Là je suis dans le 11ème là, il y a beaucoup de librairies, donc les gens sont habitués à voir des librairies, c’est bien, et donc il y a des personnes qui rentrent, qui sont juste curieuses de découvrir parce qu’elles ne connaissent pas du tout. Il y a des personnes qui rentrent parce qu’elles voient que c’est écrit outre-mer/Caraïbe et donc elles se disent, « tiens la chaleur et tout », alors que comme j’ai dit les littératures, c’est pas ça. En tout cas, elles voient « Caraïbes », et elles se disent, « Ah, c’est bien, on va prendre un peu de chaleur. » Et puis, en fait, j’ai tout, j’ai tous ces profils-là. Non, ça me fait plaisir d’avoir tout le monde comme ça. Et puis, en fait, c’était ce que je voulais. Je voulais pas forcément être juste sur certaines personnes, et je voulais toucher tout le monde, et je suis assez contente pour ça.
JBM : D’ailleurs le site est en ligne maintenant. Et vous faites des commandes à l’étranger maintenant ?
AC : Oui, j’ai un site internet et je fais des envois, maintenant depuis un peu moins d’un an je fais des envois, mais uniquement en France hexagonale, pour le moment parce que, envoyer à l’étranger, ça demande de remplir des documents pour la douane et tout. Donc peut-être, qu’un jour je le ferai, mais pour le moment je ne fais qu’en France hexagonale, les envois.
LS : Ça paraît vraiment compliqué.
AC : En fait, c’est des documents, c’est des papiers, puis il faudrait calculer les frais d’envoi en fonction de chaque pays, bon c’est vrai que comme je suis seule aussi, il y des choses que j’ai pas encore eu le temps de faire, j’ai beaucoup pas encore pris le temps de faire, mais un jour je ferai des envois à l’international.
LS : Alors étant donné toutes ces personnes qui viennent à la librairie, est-ce que vous pensez être une librairie spécialisée, plutôt généraliste, une librairie de quartier ou autre chose ?
AC : Je suis une librairie spécialisée, oui, je suis vraiment une librairie spécialisée, mais en même temps, je suis une librairie spécialisée dans tout ce qui touche aux cultures des outre-mers, mais c’est vrai que j’ai à la fois des romans, des beaux livres, j’ai quand même tous les genres littéraires, des livres aussi pour enfants, mais tout en ayant vraiment comme points de— comme fil rouge si on veut les outre-mers, donc, ou le sujet du livre sont les outre-mers, ou alors l’auteur vient des outre-mers. Oui, mais je reste quand même une librairie spécialisée.
JBM : Et il y a vos coups de cœur aussi, c’est sympa. Je me rappelle avoir vu, c’était je crois la biographie de Michelle Obama que vous aviez incluse. Il y a certains arrivages qui vous représentent aussi en tant que lectrice.
AC : C’est vrai, c’est vrai, parce que— et surtout qu’en plus parfois on me demande des livres comme ça, d’auteurs afro-américains, donc oui parfois j’ai en effet des livres qui sont pas des outre-mers, mais que j’aime bien et que je veux montrer à la librairie. C’est vrai.
JBM : Et ça fait plaisir de les voir. Ça nous permet de mieux vous connaître aussi en tant que clients. On vous découvre aussi. Donc du coup, la question qu’on avait pour vous concernait les écrivains et les écrivaines justement qui peuplent les étagères de votre librairie. Comment est-ce que vous les identifier ? Comment ça se passe pour les arrivages justement des livres dans la librairie ? Est-ce qu’il y a une sorte de réseau de solidarité et de soutien à la création littéraire à partir de la librairie ? Comment est-ce que vous opérez justement pour remplir les étagères de la librairie ?
AC : Alors donc déjà donc, quand on ouvre une librairie, de manière générale, on doit ouvrir des comptes chez des distributeurs, des distributeurs qui distribuent des maisons d’édition. Donc par exemple la maison d’édition Gallimard et distribué par un distributeur qui s’appelle SODI, donc en fait en tant que libraire on doit ouvrir un compte chez SODI, et donc tous les tous les mois, on reçoit le programme des nouvelles parutions mais des trois prochains mois. Donc on travaille vraiment 3 mois à l’avance, à savoir quelles sont les nouveautés qui vont arriver et tout, et si on veut les commander. Donc déjà en tant que libraire, on doit regarder comme ça, la liste des nouveautés à paraître dans les prochains mois pour savoir ce qu’on va commander, ce qui est intéressant. Donc, il y a ça sinon les maisons d’édition elles-mêmes aussi envoient la liste de leurs nouveautés, donc comme ça, on peut déjà faire un choix. Et puis donc comme moi je suis une librairie spécialisée, justement il y a des auteurs qui ont déjà identifié la librairie, il y a des personnes qui me contactent moi directement, mais ce sont plutôt des auteurs qui sont en autoédition qui me contactent directement pour me dire, « voilà, j’ai sorti tel livre. » En revanche, j’ai décidé là depuis le mois de septembre de ne plus accepter de livre en autoédition, parce que c’est trop compliqué à gérer. Donc ça, je le fais plus, mais c’est vrai je suis quand même au courant comme ça de nouvelles parutions qui sortent, et ou parfois des auteurs mêmes qui ont écrit dans des maisons d’édition comme on distribue facilement, qui me disent mais oui, voilà, j’ai celui-là qui est sorti et tout. Donc ça me permet de savoir. Bon, évidemment, il y a des choses enfin que je ne vois pas passer parce qu’il y a énormément de livres qui sortent. Mais voilà, et j’ai aussi des clients qui me disent, ben oui, « il y a tel livre », donc ça c’est très bien, ça fait plaisir qu’il y ait des clients qui me disent, « j’ai lu tel livre, il est très bien » et donc ça me donne envie moi aussi du coup de le lire et de le proposer, après dans la libraire. Donc c’est à la fois les canaux habituels donc avec les distributeurs et les éditeurs, et puis aussi les coups de cœur de mes clients. Mais c’est vrai que c’est un travail de veille assez important, en fait, qu’il faut faire pour être tenue au courant, pour ne pas rater le coche et tout.
JBM : Vous faites aussi le lancement parfois de certains ouvrages. On voit par exemple sur votre page Instagram, notamment des écrivains et des écrivaines qui choisissent de lancer leurs nouveaux textes depuis la librairie, donc ça c’est une sorte de plateforme un peu tournante, en fait. C’est un bon réseau.
AC : Exactement, d’auteurs qui viennent pour ça. J’étais très contente : la maison d’édition Projectiles, qui est spécialisée dans la littérature de l’Océan Indien avait choisi la librairie pour faire son lancement, donc j’étais très très contente de ça et non c’est bien c’est chouette.
LS : Mais est-ce qu’il y a, en parlant de livres, de romans, de romanciers, est ce qu’il y a des valeurs sûres parmi les œuvres en vente à la librairie ?
AC : Alors ma valeur sûre depuis que j’ai ouvert et je suis très contente parce que c’est quelqu’un qui était venu à la librairie, ma valeur sûre, c’est Tropiques Toxiques de Jessica Oublié. Il est génial. C’est vraiment une valeur sûre, et sinon, parmi les classiques, il y a Peau noire, masques blancs de Frantz Fanon ; il y a Moi, Tituba sorcière de Maryse Condé ; il y a Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis. Oui, il y a des valeurs sûres quand même, des livres— parce que je vois que les les clients— voilà j’ai aussi beaucoup de clients — j’ai oublié de dire ça — j’ai beaucoup de clients, qui comment, on peut dire ça, qui se conscientisent en fait, se disent que vraiment il faut lire les classiques, qui connaissent d’autres littératures, mais qui ne connaissent pas les classiques de la littérature de leur propre région et qui veulent revenir comme ça aux bases, donc qui veulent lire Fanon, ils veulent lire Césaire, Glissant et tout ça pour vraiment comprendre la pensée. Donc il y a ça aussi comme valeur sûre.
JBM : C’est vraiment important de vous entendre dire ça, parce que, par exemple, enfin pour ma part, en tout cas je n’avais jamais entendu parler d’Édouard Glissant. J’avais jamais lu en profondeur Aimé Césaire avant de quitter la France hexagonale et donc d’intégrer une université américaine, et ensuite de d’aller dans votre librairie et de voir tous ces textes la représentés, disponibles, et en fait complètement accessibles, ça fait vraiment du bien parce que d’être dans la démarche de quitter son pays pour ensuite aller ailleurs et découvrir une littérature qui est aussi la nôtre, mais dont on nous a jamais parlé en bien des cas, c’est assez frustrant. Donc en fait du coup, là pour faire une petite pause, pour que tout le monde puisse échanger, peut-être ses coups de cœur littéraires, parce que c’est un peu le but aujourd’hui, qu’on parle littérature, puisqu’on est en conversation avec vous, on aimerait vous entendre parler d’un livre qui vous a plu dernièrement, et puisque vous pourriez aussi nous expliquer pourquoi il vous a plu, et puis à notre tour on fera de même également, on partagera nos coups de cœur avec vous.
AC : D’accord, alors du coup, j’ai ce livre de Rodney Saint-Éloi, vous voyez, donc de Rodney Saint-Éloi, Quand il fait triste Bertha chante, et donc comme je disais, je suis très content parce qu’il va venir à la librairie mercredi soir, donc Rodney Saint-Éloi est d’origine haïtienne, il est éditeur, c’est lui qui a créé la maison d’édition Mémoire d’encrier au Canada. Voilà mais donc là, il a édité ce roman-là chez Éloïse d’Ormesson, et donc c’est mon coup de cœur de la rentrée. Il est sorti là le 20 janvier, je crois oui, c’est ça le 20 janvier, s’est écrit. Donc c’est mon coup de cœur de la de la rentrée 2022, parce que dans ce livre-là, il rend vraiment un bel hommage à sa mère qui est qui est décédée, et il raconte le parcours de cette femme, de Bertha qui l’a eu, qui a dû l’élever seule, qui a quitté Haïti pour aller aux États-Unis, au Canada, et c’est un livre qui m’a vraiment beaucoup touché, parce qu’ils raconte l’amour filial, tout simplement, et qu’on peut tous ressentir, enfin j’espère pour ses parents, et c’est ça qui m’a touchée et évidemment, c’est très bien écrit. Voilà donc, c’est important aussi. C’est vraiment très très bien écrit, c’est dans une très belle langue, et c’est ce qui m’a plu moi dans ce livre-là, et il vient mercredi à la librairie. Voilà, venez, si vous pouvez.
JBM : On a hâte de le lire.
AC : Voilà Quand il fait triste Bertha chante. Parce qu’en fait on pourrait croire justement que c’est triste, mais en fait, comme on voit tellement l’amour donc déjà de Rodney à sa mère, mais aussi de sa mère pour ces enfants, en fait, non, c’est un livre qui reste quand même plein d’espoir. Moi j’ai beaucoup aimé.
JBM : Merci beaucoup d’avoir partagé ça avec nous. Alors du coup à qui je vais passer après Agnès ? Lucy est-ce que tu veux parler de ton coup de cœur ?
LS : Tout à fait donc j’ai choisi un autre, un recueil de nouvelles par un autre écrivain haïtien, Gary Victor, Treize nouvelles vaudou, qui est un recueil plein de mystères, de magie, de vaudou bien sûr, et aussi d’humour. Donc j’apprécie. Il y une nouvelle dans laquelle il s’agit peut-être d’un zombie mais ce n’est pas clair. J’apprécie énormément. C’est juste quelque chose de léger, et d’amusant.
JBM: Merci beaucoup, Lucy, alors du coup j’ai pas envie de « cold call » les gens dans la conversation, alors du coup je sais pas qui veut peut-être, donc Corine, ok.
Corine Labridy : Alors je vais, y aller, parce que le mien, c’est genre, je vais révéler ma double vie littéraire, et je sais, j’ai pas partagé ça avec vous mais en fait j’adore tout ce qui est littérature spéculative. Donc j’adore les dystopies, j’adore les utopies, je sais on n’en a pas parlé, ça doit être choquant pour tout le monde. J’adore ce qui est science-fiction, tout ce qui est postapocalyptique, etc. Mais bien sûr, il me semble, que les écrivains antillais ne s’adonnent pas super souvent à ce genre et donc— et ça peut être pour beaucoup de raisons, n’est-pas ? Bon avant avec les créolistes on avait plutôt besoin de négocier notre passé, n’est-ce pas ? De digérer le passé, donc on ne faisait pas de la littérature spéculative, et puis bon en ce moment il y a beaucoup de choses à gérer dans le présent, donc le futur ça semble quelque chose d’autre. Mais j’étais vraiment ravie justement de trouver sur— ce que je pourrais— parce que je suis en Oregon, donc je suis aux États-Unis— donc je pourrais dire les étagères virtuelles de la Librairie Calypso, puisque j’ai cherché sur internet, dans la Librairie Calypso. J’ai trouvé un titre de Christophe Gros-Dubois, voilà, qui s’appelle Paradis année zéro et donc derrière ce titre, Paradis année zéro, ça a l’air d’être utopique mais bien sûr c’est une dystopie, n’est-ce pas ?
AC : Tout à fait !
CL : Et donc ça se passe à Washington DC, et donc ce que j’adore avec ce texte, c’est que bon normalement les romans spéculatifs, ça doit se passer dans un futur éloigné, mais là, Gros-Dubois, il nous emmène dans un présent qui est super présent, tellement présent, que ça pourrait avoir commencé hier, n’est-ce pas ? Il nous parle des élections américaines, il nous parle de Covid, il nous parle des brutalités policières, tout ça avec un genre de rythme qui est vraiment quelque chose de— il y a une certaine cadence qui nous rappelle aussi les romans antillais. Donc ça je trouve ça vraiment fascinant. Je vais juste lire très rapidement le tout petit résumé. D’accord parce que je vais pas le faire aussi bien. Ok, je commence : « Trois cent ans d’institutions racistes partent en poussière, quand Washington se désagrège, balayé par une catastrophe naturelle d’un genre nouveau. Soudain les dominations basculent, les noirs prennent le pouvoir. » C’était le résumé, et donc juste pour dire, c’est littéralement que Washington DC, se désagrège, et cet événement s’appelle the Dust. Et ce que j’adore vraiment dans le roman aussi, c’est que à travers— il y a un récit, n’est-ce pas, que l’on suit mais il est intercalé d’entretiens, et donc les entretiens, ce sont les voix de femmes noires, de personnes noires, de personnes blanches, et il y a des personnes fictives, il y a des personnes semi-fictives, donc il y a une sorte de polyphonie qui rappelle vraiment certains romans antillais aussi. C’est rythmé, c’est rapide, c’est cruel parfois, donc vraiment à recommander pour toutes les personnes qui aiment les genres spéculatifs et la littérature antillaise en même temps. C’est vraiment quelque chose— c’est un manège de montagnes russes, quoi c’est vraiment génial !
AC : C’est super que vous parliez de lui. En plus, je l’ai reçue à la librairie.
CL : J’étais en train de chercher et je me suis dit ah non— c’est vraiment— Alors là, tout le crédit est à la Librairie Calypso, que j’ai trouvé ce texte donc merci énormément.
AC : Avec plaisir ! C’est lui ! Pour ce texte-là qui est vraiment assez extraordinaire en effet. Oui, il imagine, que en effet, à cause de The Dust, toutes les maisons des personnes blanches disparaissent, en effet, il n’y a que les maisons des personnes noires qui sont debout — enfin bon, faut lire le livre.
JBM : Merci Corine, du coup pour la recommandation, je ne connaissais pas, donc, merci beaucoup ! Alors du coup, je sais pas, Nathan, après Jocelyne.
Nathan Dize : Voilà, donc pour revenir à Haïti, mon coup de cœur, c’est Antoine des Gommiers, de Lyonel Trouillot, paru aux éditions Actes sud en janvier 2021, je crois. Mais ça raconte le parcours de deux frères habitant dans les corridors populaires de Port-au-Prince suite au décès de leur mère. C’est une histoire de magie, de tendresse, de belles lettres, de loterie, de destin, et en fait je viens, moi, de d’une fratrie assez grande, et cette histoire de frères m’a beaucoup touché, en fait, parce qu’on ne voit pas beaucoup d’intimité entre hommes, dans le gros canon de littérature antillaise, sauf si c’est des travailleurs, je sais pas quoi, et ça m’a touché. Donc je conseille vivement à vos lecteurs et lectrices.
JBM : Merci Nathan. Jocelyne, du coup on t’écoute.
Jocelyne Franklin Sutton : Oui, oui, ok bon, je vais tout de suite commander celui dont parlait Corine, parce que ça a l’air hyper amusant, fascinant, et différent aussi pour mes étudiants. Bon moi j’ai choisi un livre pas trop récent de 2017, je crois, Belle Merveille de James Noël. Il s’agit de Port-au-Prince sept ans après les tremblements de terre, comme on doit dire maintenant, pas le dernier, mais l’avant dernier, alors oui en 2010. Et il s’agit d’un personnage s’appelle Bernard, qui est retrouvé sous les combles, et les décombres, par une blanche membre d’une ONG venue d’Italie, et c’est leur histoire d’amour, mais c’est aussi entremêlé et avec les voix des survivants du tremblement de terre, mais aussi des soldats des Nations Unies, des enfants, des enfants haïtiens, et aussi beaucoup de bénévolat. C’est critique, mais aussi nuancé, et je travaille sur la question de la représentation des « white saviors », et là c’est plus nuancé qu’ailleurs, mais pas moins critique. Donc ça m’intéresse beaucoup, mais en fait la raison pour laquelle c’est un vrai coup de cœur, c’est parce qu’il joue tant avec le langage et j’adore ça. Il y a par exemple quelques motifs poétiques qui traversent le roman. Par exemple, il y a le solfège qui est toujours en petit morceaux, mais mélangés. Donc, c’est pas do ré mi fa sol la ti do, mais c’est la ti fa sol et ça me fait penser aussi au tremblement de terre, au niveau du mixage. Oui, il y a tout une métaphorique, autour de autour des oiseaux et des Port-au-Princiens qui sont des papillons. Il est aussi question de ne pas pouvoir quitter le pays, mais pour certains, mais pas pour tout le monde. Bon c’est un très beau texte, c’est vraiment— il joue vraiment avec les limites de ce que devrait être un roman, entre ça et le recueil de poèmes, et donc j’adore, je reviens toujours et je trouve de nouveaux trucs dedans.
JBM : Merci Jocelyne. Alors, Erika, on t’écoute, merci.
Erika Serrato : Bonjour ! Alors ma passion littéraire du moment, en fait, c’est une écrivaine haïtienne aussi. Donc Emmelie Prophète, donc Les villages de Dieu, qui a paru chez Mémoire d’encrier, justement en 2021, donc l’année dernière. Emmelie Prophète, je suis sûre que vous la connaissez tous. Donc elle a une plume absolument magnifique, donc c’est assez extraordinaire franchement. Donc c’est aussi l’histoire du personnage principal, la vie du personnage principal après la mort de la grand-mère, donc un personnage assez important dans la vie du personnage principal. Et donc aussi, comme Jocelyne l’a dit, la ville de Port-au-Prince, devient aussi un personnage, en soi, donc il y a tout un univers extraordinaire, et donc je n’ai pas encore fini, donc je vais m’arrêter là, mais je voulais en parler parce que c’est extraordinaire.
JBM : Merci beaucoup Erika. Charly du coup, t’y vas et puis je vais après toi ?
Charly Verstraet : Comme tu veux.
JBM : Allez, c’est parti !
CV : Moi je voulais simplement dire juste avant de parler de mon livre, que j’aime beaucoup l’idée de relire les grands classiques. Et tout simplement, c’est pour revenir aussi à ce que tout le monde disait, c’est que même relire un grand classique de nombreuses fois et à différentes années d’intervalle, on va avoir une lecture complètement différente. Donc moi aussi je me retrouve beaucoup à lire tous les Césaire et Glissant et Fanon régulièrement, et à chaque fois, on retrouve quelque chose de différent. Donc c’est agréable de savoir qu’ils continuent à être lus. Alors, moi, j’ai pris un livre de 2021 de Patrick Chamoiseau qui s’appelle Le conteur, la nuit et le panier. Et la raison pour laquelle j’ai choisi c’est que généralement on pense beaucoup à Chamoiseau l’écrivain, là, c’est beaucoup plus Chamoiseau le penseur. Après c’est aussi un livre qu’il a écrit quand il était en résidence en tant que professeur à Sciences po Paris, donc il enseignait un cours là-bas, et se sont un peu ses leçons, et j’aime beaucoup l’idée de tracer la figure du conteur, dans un monde contemporain, et bien entendu vous avez parlé tout à l’heure des tropiques, ou l’image qu’on a des tropiques, là, on a la nuit qui met vraiment en valeur et enfin si quelqu’un a lu le livre parce que, moi, je suis en train de le traduire, ce texte, la figure du panier reste une énigme pour moi, donc si vous le lisez et que vous avez des idées n’hésitez pas.
JBM : Ok merci beaucoup Charly. Et donc simplement pour finir, donc moi, j’ai choisi un texte de 2009, qui est Humus de Fabienne Kanor. J’aime énormément ce texte, et je me suis plongée dedans récemment, bon c’est pour ça, parce qu’il peuple un petit peu mes journées, donc j’ai voulu le partager avec tout le monde aujourd’hui. Donc je vais simplement lire un extrait du roman qui en fait pour moi, et je pense pour Fabienne Kanor, représente la genèse de son travail littéraire. Donc je commence :
[extrait de Humus]
Donc quand Fabienne Kanor a commencé à écrire ce texte, Humus, elle venait de visiter les archives de la ville de Nantes, et elle avait découvert cette note du capitaine du bateau le Soleil, et elle avait été frappée vraiment par l’absence, en fait, d’identification de ces femmes qui avait sauté à la mer, qui s’étaient suicidées, qui avaient fait une tentative de suicide pour échapper à leur mise en esclavage, et donc à partir de cette constatation, cet effroi aussi de voir ce vide dans les archives officielles, Fabienne Kanor, avec ce texte-là, démonte complètement la fiction historique, elle le dit clairement, elle écrit pas l’histoire, puisqu’en fait cette histoire est tronquée, cette histoire est absente, cette histoire est muette, donc il est impossible de raconter l’histoire de ces femmes-là. Ces femmes-là ont vraiment disparu. Il reste simplement des traces de leur passage. Et en fait, le récit est divisé en plusieurs sections, et chaque section est intitulé d’un surnom, par exemple, il y la blanche, il y a la muette, il y a l’employée, et en fait, on entend la voix de ces femmes dans chacune de ces sections-là. Elles se répondent, elles sont pas d’accord, parfois, elles se rencontrent, elles décident d’agir d’un commun accord, parfois l’une trahit l’autre. Donc on a vraiment ces portraits de femmes très variés, très forts, et en fait ce qui est assez hallucinant avec ce texte de Kanor, c’est qu’elle arrive vraiment à donner voix — et moi je pense que c’est plus donner voix que donner corps — à des femmes qui avaient perdu toute trace et qu’on avait effacées des archives officielles. Donc ça remet aussi en question l’idée d’archives officielles. Qu’est-ce que c’est finalement archiver ? Et quels sont les trous qu’on peut trouver aujourd’hui dans les archives officielles aussi ? Et comment là, Kanor essaie de finalement combler ces trous-là en racontant l’histoire imaginée de ces femmes-là. Donc elle nous dit toujours qu’elle écrit de la fiction — c’est jamais un récit historique mais avec la fiction, elle arrive malgré tout à combler les trous de l’histoire. Donc c’est un récit que j’aime énormément et que je voulais partager avec vous aujourd’hui. Donc voilà.
LS : Merci beaucoup Jen. J’ai trouvé ça vraiment— c’est incroyable la façon dont elle essaie de combler ce vide. Ok, alors on retourne à notre discussion sur la Librairie Calypso, peut l’être, donc mais j’ai beaucoup, ouais j’ai beaucoup à lire, et à acheter maintenant, donc je pense qu’on a déjà abordé la première partie de cette question : diriez-vous que les littératures, dites ultramarines sont bien représentées dans l’hexagone ou à Paris en particulier. C’est pour ça que la Librairie Calypso est là, mais selon vous qu’est ce qui pourrait aider à leur diffusion parmi un public écolier par exemple mais aussi parmi un public plus large ?
AC : Qu’est-ce qui pourrait aider à leur diffusion ? Mais qu’elle soit qu’elles soient mieux considérées dès le début, en fait, qu’elles soient pas considérés comme moins bonnes que des littératures d’autres régions tout simplement, parce que, enfin moi je me souviens— quand avant d’ouvrir la librairie, il y a quelqu’un qui m’avait dit « tu ouvres une librairie outre-mer/Caraïbe, mais qui s’intéresse aux littératures d’outre-mer ? » et j’avais trouvé ça vraiment étrange en fait comme remarque, mais en fait depuis que j’ai ouvert, quand même, je me rends compte que si, les gens s’intéressent aux littératures des outre-mers. Mais cette personne ne devait pas se rendre compte de la richesse des littératures. Donc je pense, oui, qu’elles soient mieux considérées dès le départ, qu’on se dise pas qu’elles sont ni moins bien ni mieux que la littérature espagnole, la littérature italienne, finlandaise, je sais pas, moi, voilà, islandaise, tout simplement. Et après, quand même, à l’école, qu’elle soit mise au programme. Mais on a quand même une certaine liberté, si on veut, une certaine liberté pédagogique, que les enseignants n’hésitent pas aussi à faire des extraits d’œuvres, classiques pour que les enfants la découvrent, et puis bien sûr les parents. Voilà parce que, l’école— j’étais professeur donc je sais qu’enfin on peut pas tout faire à l’école, donc il faut que les parents aussi incitent leurs enfants à lire du tout, à lire vraiment du tout, et aussi à lire des auteurs des outre-mers et des Caraïbes, et comme elle sera mieux représentée. Elle sera considérée comme n’importe quelle littérature. C’est ça. Ce serait ça qui serait bien, en fait, voilà : qu’il n’y est pas forcément une librairie spécialisée, qu’elle soit au même niveau que les autres littératures.
JBM : Merci beaucoup alors en fait là, on arrive à la fin de nos questions, du coup les, questions que Lucy et moi avions préparées. On aimerait parler un peu des produits qui sont en vente à librairie et qui sont des produits un peu tous média, enfin multimédia, dans la mesure où ce sont pas forcément des ouvrages, et ça va être des jeux de société, vous allez avoir aussi— vous avez des livres de recettes. Vous avez des calendriers, vous avez d’autres produits finalement qui permettent peut-être aussi d’étendre la connaissance de la Caraïbe et des outre-mers, donc est-ce que c’est la démarche qui motive cette décision d’avoir d’autres produits qui sont pas que des livres finalement — même si les livres sont déjà beaucoup ? Mais qu’est-ce qui motive justement votre décision d’avoir d’autres produits comme des jeux de société, des calendriers, toutes ces autres choses qu’on peut voir dans votre librairie.
AC : Alors, oui, c’est vrai que j’ai complètement oublié — merci, bonne question — de dire au début, c’est qu’au départ mon projet et c’est vraiment— c’était d’ouvrir une librairie salon de thé et aussi galerie, mais qui soit sur les outre-mers et les Caraïbes. Donc d’avoir à la librairie qui présente des auteurs d’outre-mer ou sur le sujet, d’avoir le salon de thé qui ne propose que des produits des outre-mers, donc au début j’ai ouvert le salon de thé, mais là il est fermé depuis décembre 2020, en fait, mais en septembre et octobre, il était ouvert. Donc j’avais des thés de la Réunion, des pâtisseries de Martinique, du chocolat de Guadeloupe, et aussi la partie galerie, pour présenter des artistes de la Caraïbe. Et donc l’année dernière j’ai accueilli une exposition de photographe de Guadeloupe, et là, depuis samedi, il y a l’exposition d’un artiste de Martinique, un artiste-peintre de Martinique. Donc une expo qui va durer jusqu’à la fin du mois de mars. Donc il y avait vraiment ces trois points-là que je voulais dans la librairie, et aussi en effet ne pas avoir que des livres, mais avoir donc, des CDs, j’ai des CDs, j’ai des jeux caribéens, oui, comme vous avez dit, le calendrier, des cartes, donc vraiment que ce soit— qu’il y ait un univers de la Caraïbe, donc plusieurs produits pour montrer tout ce qu’on fait. J’ai des DVDs, aussi. J’ai des DVDs, j’ai des posters, des mugs voilà, donc, différentes choses. Oui, j’ai de la papeterie, tout à fait. J’ai de la papeterie aussi, des cahiers, des carnets, donc qui sont faits par Gladys Guédon, avec des œuvres de son père, Henri Guédon, qui est un peintre aussi de la Martinique. Donc différentes choses pour montrer vraiment tout ce qu’on fait, tout ce qu’on sait faire. Après je n’ai— et je dis ça— faut pas que je dise ça non plus : par exemple, j’ai pas des bijoux, j’ai pas de vêtements, j’ai pas des choses comme ça. C’était vraiment le côté artistique, le côté artistique, donc livres, les jeux, et puis sinon avoir de temps en temps des expositions d’artistes — la totale.
JBM : Oui toutes formes de créations, de créations artistiques, littéraire, etc.
AC : Oui oui oui, donc ça, oui, pour moi c’était important, vraiment qu’il y ait tout ça dont la librairie.
JBM : Donc pour le coup, le jeu que j’avais acheté, je me rappelle, le jeu, j’avais acheté des cartes, un jeu de cartes avec des questions de type trivia, et c’est vraiment excellent.
AC : Oui, c’est le jeu Conficulture ? C’est ça, oui c’est ça, oui le jeu Conficulture qui est très très bien en effet, avec des quizz, avec trois questions comme ça.
JBM : Oui tout à fait, pour les étudiants, c’est bien aussi.
AC : Comment ?
JBM : Pour les étudiants c’est bien aussi en fait. Ça permis de leur proposer d’autres contenus, et ça leur permet de mieux connaître aussi les régions de la Caraïbe, et aussi de peut-être plus s’interroger sur ces territoires qu’ils ou elles ne connaissent pas toujours très bien. Donc c’est vraiment vraiment pas mal. Peut-être une dernière question pour conclure avant d’ouvrir la conversation à d’autres s’il y a des questions parmi le public : Pour vous qu’est-ce que c’est faire vivre une librairie ? Qu’est-ce que ça veut dire faire vivre une librairie. Une question assez ouverte.
AC : Alors faire vivre— c’est compliqué. En fait, c’est très compliqué de faire vivre une librairie. Je suis ouvert depuis peu de temps, mais je m’en rends compte vraiment que c’est compliqué. C’est compliqué parce que c’est pas tous les jours qu’on a besoin de s’acheter un livre et donc avoir des clients réguliers, tout ça c’est pas forcément évident parce qu’il y a des périodes où il y aura beaucoup de monde, des périodes comme Noël et tout ça, et puis d’autres périodes où c’est plus compliqué. Donc faire vivre, mais c’est organiser des rencontres. Moi je sais que j’organise beaucoup d’événements et de rencontres. On me propose aussi beaucoup de choses et moi j’aime bien en fait recevoir les auteurs. Je trouve que c’est important que les lecteurs puissent rencontrer leurs auteurs, donc j’organise assez régulièrement des rencontres, donc ça permet de faire vivre la librairie. Puis donc là par exemple les expositions aussi ça permet de faire vivre la librairie, parce que les gens viennent peut-être au départ pour voir les peintures, mais aussi après, du coup, ils regardent les livres. Et puis faire vivre une librairie, oui, c’est ça : c’est surtout ne pas rester sur les acquis. On disait que donc c’est important de lire les classiques, mais vraiment se tenir au courant de l’actualité littéraire, pour tout le temps renouveler les ouvrages dont qui sont sur les tables en fait, les ouvrages qui sont vus comme ça, pour vraiment montrer tout ce qu’il y a en fait, et essayer de faire tourner un peu le fond. Donc oui ce serait ça pour moi faire vivre la librairie et puis bon après ça, c’est autre chose, mais j’essaie d’être présente aussi sur les réseaux de faire des choses sur Facebook, Instagram, donc pour faire vivre aussi un petit peu Calypso.
JBM : Oui, parce que vous faites énormément. Pour le coup, il y a vraiment une activité assez vive sur les réseaux. Tout à fait.
AC : Oui, ce serait sans doute ça pour moi, comment faire vivre une librairie. C’est ça en restant toujours éveillée, en alerte pour ce qui sort, et puis ne pas rester sur ses acquis. Mais moi je pense que c’est pour tous les commerces : pour que ça tienne, il faut vraiment ne pas rester sur ses acquis. C’est important.
JBM : Oui, il y a vraiment une dimension interactive, aussi qui est vraiment sympa. Aussi bien avec vous qu’avec les gens que vous invitez et la manière vous exposer les livres aussi dans l’espace. C’est très interactif aussi. En tout cas c’est le retour que je peux humblement vous offrir.
AC : D’accord, mais merci beaucoup.
JBM : Alors du coup, est-ce qu’il y aurait des questions parmi les personnes qui sont là avec nous, aussi bien les membres de Kwazman Vwa, et les deux invités qu’on a là. Alors je vois une main qui se lève : alors Ameno, et puis Charly, après. Donc Ameno, on t’écoute.
Ameno : Alors, bonjour, bonsoir. Oui j’avais une question, parce qu’il y a plusieurs moments où j’ai des amis qui me parlent d’un intérêt naissant pour la littérature africaine, surtout, et ils me disent, ils parlent de Présence Africaine, et parfois, connaissant la Librairie Calypso, j’aimerais bien les orienter vers la Librairie Calypso, et les ouvrir un peu à ce que vous proposez dans votre librairie. Et souvent je me rends compte que c’est compliqué, entre guillemets, de créer de l’intérêt pour eux, qui à la base sont vraiment sur— leur objectif, c’est de trouver du Cheikh Anta Diop et autres littéraires d’Afrique. Ma question c’est est-ce qu’il est possible de faire converger les intérêts de ces personnes-là qui sont à la recherche d’une littérature africaine, les faire s’intéresser à une littérature d’outre-mer ? Et si c’est possible, comment est-ce qu’on peut faire ?
AC : Alors ok. Mais ces personnes-là s’intéresse aux littératures africaines parce qu’elles sont elles-mêmes d’origine africaine— c’est ça ou pas du tout ?
ABM : Alors oui oui, celles que j’ai en tête, oui, c’est ça. Et en général, elles recherchent— par exemple, j’ai une amie malienne qui s’intéresse à des écrivains maliens et autres. En fait je vois qu’elle est intéressée à d’autres auteurs africains qui sont pas seulement Maliens, et je me dis j’ai envie— du coup, je lui en ai parlé, je lui ai dit, « Va à la Libraire Calypso. Tu trouveras forcément des choses qui t’intéresseront », mais je suis pas sûr qu’elle y aille, parce que pour elle son centre d’intérêt se résume au Mali, l’Afrique de l’ouest. Pourquoi pas un peu ailleurs, mais c’est pas simple de déclencher l’intérêt chez elle, en tout cas.
AC : Oui mais c’est vrai que surtout que j’ai pas d’auteurs maliens. Qu’est-ce que je pourrais vous dire ? Je pense que si ces personnes-là sont dans une démarche déjà de rechercher des littératures de leur pays d’origine, c’est déjà bien, et peut-être au bout, au fur et à mesure, elles vont se rendre compte qu’il y a une créolité, en tout cas, dans les Caraïbes, et que c’est intéressant aussi de d’acheter des livres de ces régions-là. Mais comment dirais-je. Oui, tout le monde a son cheminement personnel et déjà elle, si elle est d’origine malienne, c’est normal qu’elle veuille aussi chercher des auteurs du Mali, et puis au fur et à mesure, je pense qu’elle s’ouvrira— je sais pas. Mais c’est vrai que j’ai pas d’auteurs maliens. Parfois, c’est un reproche qu’on me fait justement, de ne pas avoir plus d’auteurs d’Afrique, mais c’était pas— au départ la librairie, c’est vrai que c’était les outre-mers et les Caraïbes. L’Afrique est un continent et qui a déjà aussi beaucoup d’auteurs et en effet qu’on peut trouver à Présence Africaine, pour le coup, et chez l’Harmattan.
ABM : Merci pour la réponse.
JBM : Merci Ameno. Alors, du coup, Charly, on t’écoute.
CV : Oui alors, moi, j’ai deux questions. D’abord merci Agnès, Jennifer et Lucy, pour votre belle conversation. Il y a déjà une perspective complètement différente de ce à quoi on est habitués puis ça permet aussi de stimuler les échanges autour de la littérature. Alors, moi, ma première question c’est quand je faisais un tour d’horizon de votre librairie en ligne, j’ai remarqué qu’il y avait une tendance à basculer dans le roman graphique. Je pense… vous avez mentionné Jessica Oublié, j’ai vu aussi qu’Anacaona qui a écrit un roman graphique sur Solitude.
AC : C’est pas un roman graphique. C’est un roman illustré. [rires]
CV : D’accord pardon. Est-ce que c’est la même distinction aussi avec Zobel ? J’ai vu qu’il y a une adaptation aussi de Rue Cases-Nègres.
AC : En BD.
CV : D’accord, donc du coup, ma question c’était de savoir si, voilà, s’il y avait une tendance pour partir plus tôt à travers ce médium, soit dans votre librairie ou même aussi pour accéder à la littérature de la Caraïbe, soit de réécrire des fictions, d’imaginer même des documentaires, romans graphiques à la fois, et ma deuxième question est un peu plus d’ordre personnel : vous avez parlé de la transition— de votre transition en tant que professeure à libraire, et j’étais curieux de savoir aussi— donc vous avez parlé forcément de l’amour des livres, ce qui vous a attiré, ce qui vous a amenée à ouvrir votre propre librairie, mais j’étais curieux aussi de savoir ce qui vous a fait quitter le monde d’avant.
AC : Alors reprécisez bien la première question, en fait, pour les romans graphiques, que ça serait bien qu’il y ait plus d’adaptations, c’est ça ?
CV : Non, je me demande justement si c’est une tendance en fait de la littérature soit moderne de la Caraïbe, parce que—
AC : Oui, alors oui, c’est vrai. C’est une tendance générale de faire de plus en plus de romans graphiques. Moi j’ai constaté ça, que vraiment, il y a de plus en plus de romans et de très bons romans graphiques qui sortent. Et en effet les littératures caribéennes s’adaptent aussi sur des romans comme ça. C’est comme, il y a récemment, qui est sorti, donc c’est en septembre, en fait, il y a Queenie, qui est sorti en BD, et il y avait déjà eu avant le roman de Raphaël Confiant, donc Stéphanie Sinclair, il y a en effet… même là, j’ai commandé chez moi une BD qui s’appelle Djenm sur les combats de coqs, et en fait et qui était déjà raconté avant. Et comment ça s’appelle… Ti-Jean l’Horizon aussi qui est sorti en BD et c’est un roman de Simone Schwarz-Bart. Conc c’est vrai qu’il y a beaucoup de choses comme ça qui sont adaptées et c’est qu’en fait les bd et les romans graphiques sont vraiment considérés maintenant comme un genre important, et qui prend de plus de plus en plus d’importance, pardon, et du coup les éditeurs, les auteurs s’adaptent et se disent que c’est un bon moyen aussi de permettre à des personnes qui peut-être n’aiment pas les romans, vraiment lire comme ça des textes en bloc, c’est un bon moyen pour ces personnes-là de découvrir les écrits. Donc oui, en effet, il y a de plus en plus de romans graphiques. Mais comme vous parlez de Jessica Oublié, elle l’a dit aussi au départ, quand elle a écrit— donc avant Tropiques Toxiques, elle a écrit Peyi an nou, et elle disait ça, que quand elle cherchait en moyen de raconter l’histoire du BUMIDOM, comme Peyi an nou raconte l’histoire du BUMIDOM, elle cherchait et puis elle s’est rendu compte que le meilleur moyen se serait en effet la bande dessinée, le roman graphique. Mais Solitude d’Anacaona, donc de Paula Anacaona, sont des romans illustrés. Je ne les ai pas là chez moi, mais en fait, il y a vraiment le texte et il y a des illustrations à côté. Mais ce sont pas des bulles.
CV : Et par curiosité, est-ce que vous en vendez, par exemple, l’adaptation de Zobel en roman illustré, donc est-ce que vous en vendez plus que le roman lui-même ?
AC : Non, là pour le coup je dirais non, peut-être parce que c’est un classique, justement, de la littérature. Non je vends plus le roman que la bande dessinée. Et en plus là pour le coup quand les personnages achètent la bande dessinée, c’est pour des jeunes, c’est pour leurs enfants, ce sera pas pour un adulte, contrairement à d’autres romans graphiques que j’ai où ce sont vraiment des adultes qui les lisent.
CV : D’accord merci.
AC : Voilà, et puis sinon la question c’était comment quitter le monde d’avant ?
CV : Non je me suis demandé pourquoi vous avez quitté ce monde-là, en fait ? Pourquoi le monde de professorat, de l’académie… pourquoi est-ce que vous avez décidé de le quitter ?
AC : Alors, eh bien, c’est que ça faisait donc dix ans pratiquement que j’étais enseignante, et dix ans, dix ans, c’est quand même un petit peu d’années ! Et donc, voilà, j’avais fait différentes choses, j’ai fait différents établissements, et puis je dirais pas non plus que c’est que ça ne me plaisait plus parce qu’enseignant, c’est vraiment métier très intéressant et le contact avec les élèves est très intéressant, donc c’est pas que ça ne me plaisait plus, mais c’est juste que l’envie d’entreprendre a été plus forte. Voilà ! je me suis dit, bon voilà, c’était bien, c’était dix années qui étaient bien mais j’ai envie de faire autre chose.
CV : Et pour notre plus grand bonheur d’avoir fait cette transition.
AC : Merci !
CV : Merci d’avoir fait ce choix !
AC : C’est ça. Faut faire le choix. Faut faire des choix dans la vie !
JBM : Jocelyne, on t’écoute.
JSF : Merci bien, justement, sur ce sujet le changement de métier, est-ce que vous trouvez maintenant pendant la journée de travail, vous trouvez plus de moments pour lire ?
AC : Alors je vais casser un mythe : donc les libraires, on ne passe pas du tout notre journée à lire, au contraire, et en fait, j’ai moins le temps de lire qu’avant. C’est horrible, en fait ! Ouais ouais, je n’ai pas beaucoup de temps, donc je lis, je vais au travail en métro, donc je dis dans le métro. Je lis chez moi aussi quand je rentre, quand je suis pas trop fatiguée. Surtout que je suis seule à gérer la librairie, et c’est vrai que ce sont des journées qui sont hyper denses, et en fait, la librairie, ça reste quand même avant tout un commerce, et donc, comme dans n’importe quel commerce, donc c’est gérer son stock, faire des commandes, payer des factures, voilà, faire sa compta, en fait donc, c’est vraiment ça. C’est vraiment ça. Et je lis, non mais je lis quand même, faut pas que je dise que je lis pas. Je lis, mais c’est vrai qu’en fait, je lis pas plus qu’avant. Le moment de ma vie où je pense que j’ai le plus lu, et quand j’étais étudiante, parce que je faisais des études de lettres, donc voilà fallait que je lise beaucoup. Mais déjà encore quand j’ai commencé à enseigner, je lisais— j’avais moins de temps pour lire, parce que, bon, corriger les copies sa prend du temps, et là, enfin, les journées sont énormes, puisque je suis toute la semaine à la librairie. Mais bon, mais il faut lire. C’est ça : dès qu’on a le temps, dès que j’ai, un moment je lis, en tout cas. Dès que j’ai le temps, donc dans métro, j’essaie de lire. Si je suis en train de faire la queue quelque part, j’essaie de lire aussi parce que faut vraiment optimiser chaque moment, en fait, parce qu’on a pas le temps, sinon.
JBM : Ça nous parle beaucoup ce que vous nous dites là !
AC : C’est ça, vraiment. C’est vraiment ça.
JBM : Alors on est déjà à 19h30, heure française, puis à 13h30, heure de New York, donc on arrive à la fin de notre heure de conversation. Donc à moins qu’il y ait des questions brûlantes, là on va laisser Agnès commencer sa soirée, donc on voulait vraiment vous remercier d’avoir été là avec nous aujourd’hui, d’avoir échangé. Comme tout le monde l’a dit c’était vraiment important pour nous d’entrer en conversation avec quelqu’un d’aussi essentiel à la distribution, à la circulation, à la visibilité des textes, donc merci beaucoup pour le travail que vous faites qui est très très important et on est très content on est d’ailleurs de vous avoir eu aujourd’hui.
AC : Merci beaucoup de m’avoir invitée. Merci beaucoup de m’avoir invitée. C’est moi qui suis contente, vraiment que vous m’ayez invitée. Merci beaucoup, c’était très chouette ! Non c’est vrai c’était mon premier zoom et je suis très contente.